1963 à 1983 - L’expansion
Le début des années 60 constitue un véritable âge d’or pour le secteur aéronautique et spatial qui subit une profonde mutation au niveau international. L’ONERA, déjà centre de référence dans son domaine, jouera un rôle de premier plan dans la dynamique de cette période.
La nouvelle vocation spatiale
Le secteur spatial est en pleine révolution avec l’accès de l’Homme à l’Espace. La politique volontariste de la France, qui deviendra rapidement la 3ème puissance spatiale mondiale, est marquée par la création du CNES. De nouvelles missions sont confiées à l’ONERA dans le domaine spatial: d’aéronautique, il devient Office national d’études et de recherches aérospatiales en 1963. Le Centre d’études et de recherche de Toulouse (CERT) sera rattaché à l’ONERA en 1968, dotant l’ONERA de nouvelles compétences en aérothermodynamique, mécanique et énergétique des systèmes, automatique, informatique, optique, micro-ondes et technologie spatiale.
Parmi les exemples de participations de l’ONERA aux succès spatiaux de cette époque, on note entre autres : une participation à la définition du lanceur Diamant-A qui permit de lancer le premier satellite français « Astérix » (1965), puis plus tard le développement d’un logiciel ONERA pour le calcul de l’écoulement supersonique autour du lanceur Ariane 5, ou encore la modélisation des environnements acoustiques des lanceurs. Des études importantes sont également dédiées à la propulsion des fusées par ergols liquides et à la qualification des propergols solides.
Les grands programmes
Une des premières simulations numériques à l'ONERA de l'écoulement transsonique autour d'une aile d'avion de transport
Le développement considérable de l’aviation civile et militaire durant cette période contribua à élargir de façon spectaculaire le champ des compétences de l’ONERA. Il participe aux grands programmes aéronautiques (Concorde, Airbus, Mirage, Rafale, etc.) ce qui se traduit notamment par l’extension des moyens d’essais regroupant les grandes souffleries de Modane-Avrieux ainsi que les nouvelles souffleries du Fauga-Mauzac.
Les progrès remarquables en aérodynamique ne furent pas seulement basés sur le développement des souffleries, mais sur celui des moyens expérimentaux dans leur ensemble : ce fut par exemple la percée de la vélocimétrie laser, toujours utilisée aujourd’hui pour la validation des méthodes numériques, ou encore les mesures de pression effectuées sur l’aile ONERA M6 qui constituent une banque de données de référence mondiale encore aujourd’hui.
Vers la fin des années 70, l’ONERA engagea les premières études sur contrôle actif généralisé qui devait révolutionner la conception des avions de combat (Mirage 2000, Rafale) puis des avions de transport (Airbus 320 puis 330 et 340).
Dernier exemple phare de cet âge d’or : la contribution de l’ONERA à l’avion de transport supersonique Concorde. Elle fut capitale pour définir la forme des ailes, les entrées d’air des moteurs, les tuyères propulsives, le vol à basse vitesse, et l’étude de l’effet de sol à l’atterrissage.
Avion Dassault Mirage III V à S1MA en 1965 à Modane (avion à décollage et à atterrissage vertical, programme arrêté en 1966)
Les tunnels hydrodynamiques de l’ONERA
A cette période, grâce à Henri Werlé, éminent expérimentateur, le tunnel de simulation hydrodynamique se révèle un excellent outil de recherche pour aborder des problèmes de mécanique des fluides dans le domaine incompressible en fournissant de splendides visualisations de l'écoulement autour de maquettes. La renommée des visualisations par analogie hydraulique d’Henri Werlé est encore aujourd’hui mondiale. Ses photographies sont une référence en matière de description des écoulements.
A très grande vitesse
Vers 1970, une étude originale concerne la physique de la rentrée à très grande vitesse de véhicules dans l’atmosphère (à Mach 16, soit environ 4 500 m/s).
On veut analyser les phénomènes électriques liés à la rentrée hypersonique des têtes balistiques, en particulier mieux connaître la transmission des ondes radioélectriques à travers le plasma créé autour de la tête de rentrée.
C’est l’opération Electre effectuée au Centre d’Essais des Landes (CEL) avec la fusée Tibère.
Début de l’accéléromètrie ultrasensible
Aujourd’hui, l’ONERA est reconnu comme le leader mondial de l’accélérométrie spatiale ultrasensible. Pourtant, la découverte des accéléromètres est due au hasard...: au début des années 1960, l'ONERA cherche un moyen de suspendre les maquettes en soufflerie sans dard ni fil. Les chercheurs testent la sustentation par lévitation électromagnétique. Si le projet est abandonné en raison de l’instabilité des maquettes, l'idée demeure et est appliquée à la mesure inertielle.
De petits instruments utilisés pour de grandes choses aujourd’hui
Le développement de cette technologie inédite ne se fait pas attendre : testé en chute libre dans une cage d'ascenseur du bâtiment de 11 étages du centre ONERA de Châtillon, le premier accéléromètre ultrasensible d’une grande famille voit le jour dans les années 70. Cactus (Capteur Accélérométrique Capacitif à Trois axes UltraSensitifs) est lancé à bord du satellite Castor par la fusée Diamant BP4 le 15 mai 1975.
Aujourd’hui, les accéléromètres ONERA et l’extrême précision des mesures qu’ils permettent, servent principalement pour des missions spatiales. Notamment, en 2016, l’instrument T-SAGE, conçu et développé par l’ONERA, constitué de deux accéléromètres les plus précis au monde, permettront de tester pour la première fois dans l’espace le principe d’équivalence postulé par Einstein à une précision inégalée de 10-15.
La mesure absolue de la pesanteur est également utilisée pour des applications liées à la Défense, comme la cartographie marine.
Les radars
Au début des années 70, l’ONERA se lance dans l'activité "radars basse fréquence" à la suite des travaux sur la caractérisation des plasmas de corps de rentrée.
L’ONERA se démarque vite grâce à l'originalité de ses concepts et à leur validation expérimentale. Il a notamment contribué à la conception du radar de surveillance sol-air RIAS, PARASOL, SACHEM, RAB ! T et ROMA.
RIAS - Radar à +Impulsion et Antenne Synthétique). Centre d’essai de la Méditerranée, Ile du Levant
Principe conçu à l'ONERA, d'un radar à antennes d'émission-réception dispersées sur le terrain et permettant une localisation omnidirectionnelle dans l'espaces
Références
- Notes et souvenirs sur la Fondation » de l’ONERA, par Jean Dubois. Document réalisé à l’occasion du vingtième anniversaire sa fondation.
- 50 ans de recherches aéronautiques et spatiales : livre édité en 1996 à l’occasion du cinquantenaire de la création de l’ONERA. Texte de Jean Carpentier, ancien Directeur de l’ONERA, en collaboration avec différents personnels.
- Notes et brochures diverses (La Recherche Aéronautique, Les nouvelles de l’ONERA, Envergures, ...).
- Photographies et illustrations de l’ONERA.