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Défense

Témoignage du ministre des Armées

« L’ONERA est un atout qui insuffle l’innovation dans nos Armées ! Et j’attends bien sûr que vous renforciez votre expertise ». Témoignage de notre ministre de tutelle, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu.

20 juin 2024

Sébastien Lecornu, ministre des Armées

 

Depuis quelques années, la situation géostratégique internationale a profondément changé. Peut-on affirmer que le contexte est préoccupant ?

Effectivement, jusqu'à il y a peu, nous avions plutôt été habitués à des crises successives, je pense bien sûr au terrorisme, aux conflits en Afrique, au Sahel etc. Depuis février 2022, des dérèglements en chaîne s'organisent, en plus des autres menaces classiques qui n'ont pas disparu. Le plus préoccupant aujourd’hui est probablement la guerre, qui frappe aux frontières de l’Europe et le comportement agressif de la Russie. L'issue du conflit entre la Russie et l'Ukraine reste, à tous égards, une inconnue. Car si l’Ukraine disparaît, qui sait où s’arrêteront les velléités russes ? La Russie de Vladimir Poutine adopte un comportement de plus en plus agressif à notre encontre. Un tel niveau d'agressivité n'existait pas auparavant et le risque va grandissant, ce constat est partagé par l'ensemble des pays européens. Le Kremlin joue avec les seuils et multiplie les menaces, y compris dans un chantage aux matières premières, mais aussi avec les hydrocarbures. Des opérations de désinformation au cœur de nos processus démocratiques ont été constatées ces derniers temps. Cette menace hybride, qui se traduit par des attaques cyber, des actions de désinformation, voire d’agissements agressifs sur notre territoire nous préoccupe hautement. Il est donc essentiel d'aborder la menace russe avec lucidité et de ne pas la sous-estimer.

Quelles conséquences ou adaptations sont nécessaires pour la défense française ?

Il est crucial de ne pas renoncer à l'idéal de paix, en évitant toute forme de naïveté. Se préparer à la guerre, dans un sens, est un moyen de préserver la paix. Or, notre première assurance-vie, c'est notre armée, dans les fondamentaux de son modèle gaullien dessiné dans les années 1960, c'est-à-dire, reposant sur une dissuasion nucléaire autonome, un cadre d'emploi national d'une armée expérimentée au combat, des alliances claires et une industrie de défense souveraine, inspirée par une recherche dynamique et de haut niveau. La page des dividendes de la paix qui ont vu nos capacités militaires réduire au lendemain de la chute du mur de Berlin est bel et bien derrière nous. Depuis 2017, une première loi de programmation militaire (LPM) a acté du redressement de nos moyens de défense, exécutée sous l’autorité du Président de la République. En 2023, le Parlement a adopté une nouvelle LPM très ambitieuse qui produit ses effets, puisque la France repasse le seuil des 2 % du PIB consacrés à sa Défense, ce qui n’était pas arrivé depuis plusieurs décennies. Je m’en félicite. Ainsi, le budget Défense aura doublé sous les deux mandats d’Emmanuel Macron. Mais la vraie question, pour chaque pays de l’OTAN, est que ces dépenses soient fléchées sur des investissements matériels et humains réellement utiles pour notre sécurité. C'est ce que la France défend auprès de nos alliés sur la base de notre expérience d’armée d’emploi. Réindustrialisation, modernisation de nos capacités et réarmement de la France : les premiers résultats sont là. En 2023, plus de 20 Mds € de matériels ont été commandés. Dont 42 Rafale, 109 Caesar MkII, 420 Serval et 7 patrouilleurs hauturiers. Tous fabriqués en France ! Plus que jamais, notre dissuasion nucléaire a montré sa crédibilité. Avec, en avril, le tir d’essai réussi d’un missile balistique stratégique M51 depuis le SNLE Le Terrible et en novembre, le tir d’essai réussi du premier M51.3, une évolution qui pérennise notre dissuasion

En quoi la recherche est-elle importante dans ce nouveau contexte ?

L’année 2024 est la première de l’application de la nouvelle loi de programmation militaire votée l’été dernier. Sa réussite passe par l’effort consacré à la recherche et l’innovation ! Il faut prendre des risques pour toujours garantir à la France un accès souverain aux technologies, actuelles comme futures, afin d’assurer la fiabilité et la supériorité de nos armes pour les décennies à venir. Les défis sont grands et la recherche est primordiale, qu’il s’agisse du quantique, de l’intelligence artificielle, des hautes vitesses ou encore de la furtivité.

« Les défis sont grands et la recherche est primordiale »

Le spatial devient un nouveau terrain de conflictualités et nos moyens de connaissance, d’anticipation et d’action doivent être infaillibles. Autant de domaines dans lesquels l’ONERA a développé des compétences mondialement reconnues. Cette prise de risque est l’essence même qui doit animer notre recherche scientifique ! Il faut de l’audace, pour une connaissance de plus en plus fine des outils technologiques et tactiques. Je souhaite un retour à l’esprit pion-nier des années 60, tant au sein de notre industrie de défense qu’au sein de la Direction générale de l’armement (DGA) et dans toutes les filières techniques du ministère, y compris bien sûr pour sa recherche scientifique.

Dans ce contexte, quel est, pour vous, l’importance d’un organisme scientifique comme l’ONERA ?

L’ONERA, depuis sa création le 3 mai 1946, a été une pièce maîtresse de l’effort de Défense de la Nation. D’abord dans la remise sur pieds de son industrie aéronautique, qu’elle soit militaire ou civile. Ensuite, dans la mise en place et le maintien d’une dissuasion nucléaire crédible et sans cesse maintenue à un excellent niveau. Aujourd’hui, la contribution de l’ONERA au renouvellement des deux composantes de la dissuasion dans le cadre de la LPM doit nous permettre de poursuivre l’effort, afin de maintenir la crédibilité de notre dissuasion. C’est grâce à notre investissement dans la recherche, que notre dissuasion est crédible et reconnue. L’importance des travaux de l’ONERA va bien au-delà de la dissuasion : l’innovation technologique est essentielle à l’ensemble de nos forces armées, afin qu’elles demeurent au premier rang mondial. Je pense à l’armée de l’Air et de l’Espace bien sûr, avec des contributions majeures, tant sur les vecteurs aériens que sur des systèmes d’observation comme GRAVES, Nostradamus, d’armement hypervéloces ou à énergie dirigée, mais aussi à l’armée de Terre pour des systèmes de détections optiques ou radars, à la Gendarmerie sur des thématiques importantes comme les drones, ou encore à la Marine avec les gravimètres quantiques. Le parc de souffleries et l’expertise de vos scientifiques et techniciens demeurent uniques au monde. L’ONERA est un atout qui insuffle l’innovation dans nos armées ! Et j’attends bien sûr que vous renforciez votre expertise. Votre rôle est primordial : c’est innover, bousculer les lignes, guider la recherche, être l’expert de l’Etat pour nos programmes de demain. Je vous demande de jouer ce rôle pour le SCAF, comme pour les autres programmes défense de la troisième dimension.

« Votre rôle est primordial : c’est innover, bousculer les lignes, guider la recherche, être l’expert de l’Etat pour nos programmes de demain»

L’ONERA est également un outil de rayonnement international et l’une de nos forces pour l’export : Rafale, A400M ou H-160, aucun de ces programmes n’aurait été un succès sans l’innovation et l’expertise de l’ONERA, qui est l’un des centres scientifiques aérospatiaux les plus prestigieux au monde. C’est pourquoi, et malgré le contexte budgétaire difficile, je compte poursuivre le soutien du Ministère des Armées à l’ONERA qui va bien au-delà de ce qui avait été prévu par le COP (Contrat d’objectifs et de performances). Je vous réaffirme mon soutien et demeure à l’écoute de vos besoins dans un contexte qui a beaucoup évolué et dans lequel votre rôle est primordial. Je sais que je peux compter sur l’ONERA, sur vos contributions scientifiques mondialement reconnues, je pense bien sûr à la simulation, à la modélisation, l’expérimentation ou aux essais en soufflerie. Votre rôle est primordial pour la crédibilité de nos armées, il faut le renforcer. Insufflez l’esprit d’innovation et de pionnier, osez ! Afin que la France et ses armes demeurent au plus haut niveau mondial.

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