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L’optique de l’ONERA rayonne vers plusieurs secteurs
À la pointe de la recherche en matière d’optique adaptative, l’ONERA poursuit des travaux de recherche et développement qui trouvent de nombreuses applications dans des secteurs aussi variés que la défense et les communications, mais aussi la médecine, la microscopie et bien sûr l'astronomie où elle est apparue.
Comme un retour aux sources de l’OA, l’ONERA travaille sur les applications de mise en forme de laser, que ce soit pour les télécommunications optiques ou pour des applications liées à l’arme laser, qui sont de nouveau des développements clés à l’ONERA.
Armes laser : le projet TALOS
Financé par l'Agence de Défense de l’Union européenne, le projet collaboratif TALOS (Tactical Advanced Laser Optical System) étudie l'augmentation de la puissance des lasers pour des applications militaires. L'enjeu est de faire progresser les technologies des démonstrateurs actuels pour créer des armes à base de lasers plus performantes et plus efficaces.
Les armes lasers sont capables de détruire des cibles à distance en endommageant leur structure, par perçage ou par échauffement. Leur utilisation est envisagée contre différentes cibles, en particulier la protection contre des drones ou des munitions explosives, obus ou roquettes. Or, pour diriger un laser jusqu'à une cible située à plusieurs kilomètres en traversant l'atmosphère, il est nécessaire de combiner plusieurs lasers en s'assurant qu'ils soient en phase et de minimiser l’étendue de la zone éclairée par le laser. L'optique adaptative s'impose dès lors pour compenser les effets de l'atmosphère, qui déforme et dévie les faisceaux lumineux. L'augmentation de la puissance passe également par la mise en œuvre de lasers à fibres optiques de très forte puissance. L'ONERA travaille sur la conception de ces lasers à fibres optiques, afin d'optimiser leur architecture. Par ailleurs, la limitation des dommages collatéraux de telles armes laser est également à l'étude.
Internet à très haut débit
Le projet FEEDELIO (optical feeder-link for next generation telecommunication satellites) s'inscrit dans la recherche de nouvelles solutions pour assurer la communication très haut débit bi-directionnelle entre le sol et les satellites géostationnaires de télécommunication. Actuellement, ces liaisons dites GEO – feeder utilisent des radiofréquences, avec une limite de débit d'un térabit/s, en passe d'être atteinte. Pour aller au-delà, des liaisons optiques sont envisagées : il s'agit de transmettre des faisceaux lumineux émis par des sources laser situées au sol.
Le défi est de contrer les effets perturbateurs de la turbulence atmosphérique sur la propagation du faisceau lumineux. Sans correction, celui-ci subit une déviation (beam wander) et sa phase est également affectée : le signal scintill et varie dans le temps.
L'optique adaptative permet de corriger en temps réel les effets de la turbulence, notamment le basculement (variations de la ligne de visée). Elle consiste à précompenser le faisceau montant en tenant compte des informations fournies sur les turbulences par un faisceau descendant. L'une des limitations des performances de ce système est liée à la rotation de la Terre, qui induit une décorrélation angulaire : faisceaux ascendant et descendant ne se propagent pas tout à fait dans les mêmes directions et ne traversent par conséquent pas les mêmes couches atmosphériques, du fait du délai de 120 ms entre l'émission et la réception.
Pour étudier l'impact de ce phénomène sur les performances de l'optique adaptative, l'ONERA a conçu une expérience représentative : un faisceau est transmis sur un trajet optique de 13 km entre un simulateur de station sol situé à l'observatoire de Tenerife (Canaries) et un simulateur de satellite situé au sommet du mont Teide. La comparaison des résultats sur axe et hors axe a montré la possibilité d'atteindre les performances théoriques, en gagnant un facteur 10 sur le signal reçu avec correction par rapport au cas sans correction.
Communication maritime par laser
Financé par la DGA, le projet FLOAT (Faisabilité d'une Liaison Optique en Atmosphère Turbulente) a pour but d’étudier la faisabilité d’un système de communication maritime par laser.
La communication par faisceau optique résout le problème de l'allocation de bandes de radiofréquences, avec d'autres avantages en termes de débit, de directivité (divergence de l’ordre de la centaine de μrd), de discrétion (pour des applications défense, faisceau non interceptable), de compacité et de consommation énergétique. Les résultats des expérimentations effectuées par l'ONERA ont pleinement démontré la faisabilité d’un tel système sur 20 km, qui compense les mouvements de la ligne de visée. Cette technologie doit monter en maturité pour servir à des applications duales, pour des systèmes embarqués, des communications sans fil avec des drones ou entre unités fixes ou mobiles.
Pour y voir plus clair en ophtalmologie
En capitalisant sur son expertise en traitement d’images, adaptée aux images de rétine par ses chercheurs, l’ONERA avance à pas de géant jusqu’à proposer aujourd’hui deux applications pour l’ophtalmologie.
La première concerne la chirurgie de la rétine au laser pour les diabétiques. Si le laser existe
déjà, le point d’impact reste mal maîtrisé. L’instrument mis au point par l’ONERA permet d’assister
le chirurgien pour assurer une précision optimale.
Pour les maladies neurodégénératives impliquant des anomalies vasculaires, l’ONERA voit
encore une fois plus loin que le bout de son nez. Les yeux sont en effet une fenêtre vers le
cerveau : partant de ce constat, le laboratoire de l’ONERA, partenaire des quinze-Vingts, entrevoit
aujourd’hui une technologie permettant d’observer le fonctionnement du réseau neurovasculaire
de la rétine en temps réel sur les patients, et d’en déduire l’état d’avancement des
pathologies touchant le cerveau. En 2016, la vidéo sur la circulation de globules sur l’une des
artères proche du nerf optique, au meilleur niveau mondial, permet d’y voir plus clair.
L’ONERA collabore également avec l’Institut de la vision dans le acdre du projet LIGHT4DEAF, qui vise à lutter contre le syndrome de Usher.
Une idée lumineuse
Le concept d’optique adaptative a été proposé dès 1953 pour s’affranchir des problèmes rencontrés lorsqu’on observe l’espace depuis le sol à l’aide de grands télescopes. La turbulence atmosphérique mélange des masses d’air de températures différentes, ce qui conduit à des fluctuations de l’indice de réfraction de l’air : des avances et retards de phase sont provoqués, brouillant complètement les images obtenues au foyer des télescopes.
L'idée de l’optique adaptative est relativement simple, mais sa réalisation très difficile, ce qui explique qu’il a fallu attendre plusieurs dizaines d’années pour la mettre en pratique : il s'agit de déformer en temps réel un miroir dédié afin de compenser les défauts de phase introduits lors de la propagation de la lumière à travers la turbulence atmosphérique. La difficulté technique est double, il faut à la fois :
- être capable de mesurer la phase à corriger; or, en optique, la seule grandeur mesurable est l’intensité du champ électromagnétique. Il faut donc développer des dispositifs spécifiques appelés analyseurs de surface d’onde, pour remonter à l’information sur la phase à partir d’une mesure d’intensités ;
- effectuer ce processus de mesure / correction le plus rapidement possible, typiquement mille à plusieurs milliers de fois par seconde, afin de suivre l’évolution extrêmement rapide des phénomènes atmosphériques
En astronomie, la plupart des objets d’intérêt sont généralement très peu lumineux et ne peuvent pas être utilisés pour la mesure de phase. Il faut donc créer des sources artificielles pour sonder la turbulence et permettre d’obtenir l’information pertinente sur la phase. Ceci se fait grâce à des faisceaux laser qui vont exciter des atomes de sodium situés à haute altitude (une couche dense d’atomes de sodium se trouve autour de 90 km d’altitude). La lumière rétrodiffusée par ces atomes lors de leur retour à leur état fondamental sert alors à mesurer la turbulence et à permettre le fonctionnement de l’optique adaptative sur la quasi-totalité de la voûte céleste (sans ce procédé moins d’1% du ciel serait observable).
Une brève histoire de l'optique adaptative
Les premières applications apparaissent dans les années 70, avec les débuts de la "Guerre des étoiles", la focalisation des lasers destinés à la destructions de missiles intercontinentaux étant susceptible d’être perturbée par les turbulences atmosphériques. L'ONERA s'intéresse à ce sujet dès 1980, mais c'est l’astronomie qui va prendre le relais. L’ONERA, l’Observatoire de Paris, la société Laserdot (aujourd’hui CILAS) et l’ESO, signent une première mondiale en 1989 , en utilisant l’optique adaptative sur un télescope astronomique de 3,60 m de diamètre. Aujourd'hui, avec l’augmentation de la taille des télescopes jusqu'à 8 m et bientôt 40 m, les systèmes d’optique adaptative équipent pratiquement tous les télescopes géants au sol, pour les faire fonctionner à l’optimum de leurs capacités. Ils ont ainsi permis de détecter des planètes extrasolaires, d'observer à très haute résolution des astéroïdes ou des satellites de géantes gazeuses, des zones de formation d’étoiles, ou de mesurer la masse du trou noir central de la Voie Lactée.
Après avoir conçu et réalisé pour le Very Large Telescope (VLT) les systèmes NAOS en 2001 et SPHERE en 2014, l’ONERA est désormais engagée dans le développement de l’E-ELT (European – Extremely Large Telescope), futur télescope géant européen qui aura un diamètre de 39 m et qui sera mis en opération en 2025, dans le désert d’Atacama au Chili, à une trentaine de km du VLT.