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Simulation numérique : un nouveau directeur à l’ONERA
Si l’ONERA est mondialement connu pour ses souffleries, leur complémentarité avec la simulation numérique est de plus en plus vraie. La puissance des codes de calcul développés par l’ONERA, leur transversalité entre toutes les disciplines nécessaires au secteur aérospatial, et le niveau d’expertise pointu de ses ingénieurs-chercheurs font de la simulation numérique un domaine d’importance. De nombreux défis attendent Denis Gueyffier, le nouveau directeur scientifique du domaine Simulation Numérique Avancée
Portrait de Denis Gueyffier
Un parcours riche
Denis Gueyffier a effectué une thèse en simulation numérique appliquée aux écoulements diphasiques (un liquide et un gaz). Il s’agissait de mettre en place les méthodes numériques et outils logiciels pour simuler le « splash » des gouttes, les jets et films liquides, les bulles...
Il passe trois années au CNRS : un moment marquant pour lui a été le réexamen d’une des théories sur les films liquides de Pierre-Gilles De Gennes. Un épisode scientifiquement et humainement instructif.
Puis, il continue dans des environnements dans lesquels il mène des travaux amonts : « oui, la recherche plus fondamentale m’a beaucoup animé, mais je trouve aujourd’hui particulièrement gratifiante la recherche qui a un impact fort et rapide sur les finalités. Je m’explique : faire avancer les connaissances compte, mais la partie la plus utile, celle qui fait avancer notre société est celle qui me fait rêver ».
Dans les différents postes qu’il a eu la chance d’occuper depuis sa thèse au CNRS, que ce soit au MIT de Cambridge en tant qu’Instructor of Applied Mathematics, au Courant Institute de New York en tant que research scientist, lors de la création de la startup eNetshare, ou en tant que research scientist à la NASA, c’est ce qu’il s’est donné comme ambition. De rajouter : « Dans les endroits où j’ai travaillé à cette période, j’ai plusieurs fois vu des innovations de rupture en provenance de la recherche amont remonter de façon fulgurante vers les applications concrètes ».
Amont ou appliquée, la recherche est partout
Lorsque DG a choisi de rentrer en France pour raisons personnelles en 2011, il a cherché un poste qui allierait intérêt scientifique et pertinence sociétale : quoi de plus galvanisant que de travailler sur les fusées du futur ? Il a donc rejoint le département scientifique ONERA Multiphysique pour l’Energétique, dans l’unité Modélisation Propulsion fusée, où il pouvait travailler sur la simulation numérique, sa spécialité, appliquée au domaine spatial qui le passionnait. « J’ai alors développé des méthodes et modèles pour le logiciel ONERA d’énergétique, CEDRE, et ce, dans un total esprit collaboratif, une autre dimension primordiale pour moi » ajoute-t-il. Cette expérience l’a bien préparé à prendre en main une unité de l’ONERA qui a en charge la conception et la production du logiciel d’aérodynamique elsA et de son successeur SoNICS, un code très différenciant apportant des innovations sur plusieurs plans jusqu’à l’industriel.
L’importance du travail d’équipe
Un message très important aux yeux de DG est bien qu’un grand logiciel de simulation ne se construit pas seul, loin de là. Il défend l’idée de passage de relais, qui se vérifie pour lui à toutes les étapes avant d’aboutir à un logiciel qui serve le besoin des utilisateurs. Il détaille : « prenez un schéma classique : on part d’un post-doctorant, encadré par un chercheur dans une équipe de l’ONERA, qui propose un nouvel algorithme améliorant significativement les performances ou la précision d’une méthode numérique, puis un développeur travaille avec lui pour l’adapter au grand logiciel, suivi d’un architecte et un intégrateur, qui ont la vision d’ensemble et interviennent pour l’intégrer dans l’édifice assemblé, et tout ce monde travaille main dans la main avec un ingénieur d’une unité applicative et avec l’utilisateur industriel pour répondre au besoin finalisé. Ces échanges sont extrêmement riches, passionnants, parfois passionnés et bel et bien incontournables. Impossible de monter ce type d’opération seul dans son coin. Aujourd’hui on sait réaliser de façon organisée et efficace ces cycles de remontée des innovations scientifiques et techniques dans nos logiciels industrialisés ».
Codes de calcul, un domaine qui compte : de nombreux défis
Dans la même dynamique que son prédécesseur, Laurent Cambier, DG mènera des actions en faveur de la transversalité interdisciplinaire entre logiciels. Pour lui, la mutualisation entre les différentes physiques et disciplines est primordiale pour embrasser toute la complexité d’une problématique.
Par ailleurs, le défi de l’exascale reste à relever : l’ONERA est partie prenante dans la future machine exaflopique (plus d’un milliard de milliards d’opérations par seconde) française, et doit préparer ses logiciels à l’arrivée de cette machine et des suivantes.
Plus globalement, l’une des dimensions clés de son rôle pour DG est la mise en réseau des équipes : « Je veux donner un sens et insuffler de l’énergie pour relever les défis numériques et algorithmiques, les défis HPC, les défis plateformes, les défis logiciels à venir, et sur ce chemin je défendrai des projets transverses avec les différents talents nécessaires ».
Il explique en effet qu’un logiciel de simulation, c’est un mouvement permanent, et qu’il faut, perpétuellement améliorer certaines briques, tout en veillant à ce que l’assemblage reste solide.
Autre défi : celui de la parité homme-femme : il faut ouvrir les portes de la simulation numérique et des mathématiques appliquées aux femmes.
Les mathématiques appliquées
Pour DG, on ne souligne pas assez les apports des mathématiques appliquées en termes quantitatifs ! (par exemple, des performances de calcul des logiciels de simulation). DG explique : « Elles proviennent de trois sources : d’abord de la performance des processeurs CPU ou GPU associée à la hiérarchie mémoire et à l’interconnexion ; ensuite de la programmation et de l’algorithmie HPC pour utiliser de façon optimale la ressource de calcul ; et la troisième source, qui provient plus directement des mathématiques appliquées : j’ai vu des accélérations de temps de calcul supérieures à un million par rapport aux méthodes classiques grâce à un algorithme issu des mathématiques appliquées. Cela a constitué une vraie rupture pour plusieurs domaines applicatifs ! En conjuguant les accélérations de performances provenant des experts de l’algorithmie HPC et celles provenant des mathématiciens appliqués, nous pouvons viser ici, à l’ONERA, des accélérations très importantes ».
Lien intergénérationnel
J.C. Hoarau, L.H. Dorey, J.L. Estivalezes (Département Multi-physique pour l’énergétique)
Enfin, DG s’attachera à faire collaborer la jeune génération et les ingénieurs plus expérimentés : « je crois réellement au lien intergénérationnel. Un logiciel de simulation ne se fait pas seul : en effet, à l’indispensable fougue d’un nouvel embauché ou d’un doctorant, doit s’adosser l’expérience d’un ingénieur-chercheur qui le guidera en veillant à entretenir sa belle énergie. Laurent Cambier avait promu le Grand Challenge HPC – Jeune Chercheur, un type d’initiative que je trouve très enthousiasmante. Je serais ravi de promouvoir également des hackathons, ces marathons collaboratifs de développeurs rassemblés par exemple autour de challenges applicatifs ».