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Les lumières de la nuit
Les détecteurs de lumière infrarouge permettent d’observer tous les objets qui ne sont pas à la même température que leur environnement. Leurs applications sont nombreuses dans les domaines militaires et civils. Mais ces détecteurs sont plus complexes que des caméras utilisables dans le visible, car ils sont eux-mêmes émetteurs de rayonnement infrarouge. Plusieurs technologies coexistent pour répondre à tous les usages.
Numéro 28
Image obtenue par un détecteur infrarouge à multi-puits quantiques. Les franges observées traduisent une fonction de spectrométrie. |
Contrairement aux serpents, nous voyons très mal la nuit. C’est parce que nous ne sommes sensibles qu’à la lumière dite visible, dont la longueur d’onde est comprise entre 400 et 800 nanomètres environ. Pour voir la nuit, il faut détecter le rayonnement de longueur d’onde plus grande qu’émet chaque personne ou chaque objet à température ambiante. On entre alors dans le domaine de l’infrarouge, un rayonnement lumineux dont la longueur d’onde varie de 1 à 30 micromètres environ. La détection du rayonnement infrarouge intéresse bien sûr la Défense, pour les combats de nuit ou le guidage de missiles. Mais ses applications sont également civiles : contrôle de process industriel, cartographie des zones de turbulence en météo, astrophysique, ou encore contrôle de la pollution de l’air et de l’eau. Deux méthodes peuvent être utilisées : la thermographie consiste à dresser des cartes d’émission infrarouge, tandis que la télédétection vise à extraire des informations de chaque pixel, par exemple sur la nature de l’objet repéré. |
Le froid à la rescousse |
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Détecteur infrarouge de l’instrument Mistere. Le détecteur (à droite) est intégré dans son cryostat et relié à la machine à froid par la ligne froide en U renversé. |
Dans l’infrarouge, tout est plus compliqué que dans le domaine visible. En effet, chaque objet à température ambiante émet du rayonnement infrarouge. Il faut donc généralement refroidir le détecteur, sinon, il s’éblouit lui-même, à cause de la chaleur qu’il dégage. Selon les applications souhaitées, les méthodes de refroidissement des détecteurs sont différentes. L’une des possibilités est de faire circuler un liquide cryogénique (une substance restant liquide à très basse température, par exemple l’azote ou l’hélium). « Cette solution est utilisable en laboratoire, mais peu pratique pour les applications embarquées, où l’on préfère utiliser des machines à faire du froid », indique Isabelle Ribet. |
Quantique ou thermique ?
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Enfin, des détecteurs dits « à multi-puits quantiques » sont apparus plus récemment, dans les années quatre-vingts. Ils sont constitués d’un empilement de couches fines d’arséniure de gallium (GaAs) et d’arséniure de gallium et d’aluminium (AlGaAs), et présentent la particularité de pouvoir détecter des longueurs d’ondes supérieures à 12 microns. Ce domaine de longueur d’onde est particulièrement intéressant pour des applications telles que l’astronomie, où il faut détecter le rayonnement d’objets très lointains, qui émettent très peu de lumière. Malheureusement, le potentiel des détecteurs à multipuits quantiques pour de telles applications est actuellement limité par leur faible rendement quantique et par leur température de fonctionnement trop basse. |
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Détail d'une image radiométrique obtenue par Timbre Poste |
L’Onera participe à plusieurs projets mettant en oeuvre des détecteurs infrarouge de très hautes performances. Citons par exemple le projet « Timbre-Poste » de radio-imagerie de haute qualité. Embarqué sur un hélicoptère ou positionné au sol, ce système permet de faire des cartographies de la quantité de lumière émise pour chaque longueur d’onde: on parle de luminance. On peut ainsi repérer des zones d’activités comme un port ou une zone industrielle. L’imagerie infrarouge permet alors de distinguer les rejets de déchets ou encore un pétrolier à quai remplissant ses cuves (car le pétrole doit être chauffé pour être plus liquide). « Le niveau de détail est formidable : on distingue les câbles électriques, les pylônes » s’enthousiasme Isabelle Ribet. Les applications sont bien sûr militaires (caractériser le théâtre des opérations, pointer une cible pour un missile, etc.), mais aussi civiles, par exemple en contrôle de pollution. Il faut, auparavant, valider les codes de simulation, c’est à dire aider numériquement les détecteurs à reconnaître chaque objet, en prenant en compte toutes les perturbations, comme l’atmosphère. Pour cela, on fait une campagne de mesures sur des sites que l’on connaît bien, et l’on compare les résultats des simulations aux données réelles. |
Mistere Autre application importante : la spectroradiométrie. Plutôt que de regarder l’ensemble du rayonnement émis par des objets, il s’agit de déterminer le « spectre » d’émission de chaque objet, c’est à dire d’observer quelle est leur émission pour chaque longueur d’onde. |
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Or, chaque élément a une signature différente en infrarouge. |
« La détection infrarouge nécessite aussi d’importants travaux de modélisation, indique la chercheuse. Pour une scène donnée, qu’est-ce qui arrivera sur le détecteur ? Nous développons des codes de calcul pour le prévoir. Il faut également créer des banques de données sur les émissions de nombreux éléments, afin de pouvoir comparer les mesures de terrain aux émissions connues. » |
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Par ailleurs, nous développons des techniques de mesure originales, afin de mesurer les performances ultimes des détecteurs. Ainsi, nous savons mesurer des courants inférieurs au femtoampère (10-15 ampères, autrement dit le millionième de milliardième d’ampère). |
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Cécile Michaut, journaliste scientifique. |