Vue au microscope électronique à balayage de microstructures suspendues dans le vide pour des applications de filtrage spectral
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Pendant que certains scientifiques construisent des instruments de plus en plus gros, comme l’accélérateur LHC (Large Hadron Collider) à Genève chargé de découvrir de nouvelles particules, d’autres tentent au contraire de fabriquer des instruments toujours plus petits. C’est le cas de Riad Haïdar et de son équipe au Département d’optique théorique et appliquée de l’Onera. Leur objectif : miniaturiser les systèmes optiques.
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La nano-photonique dans la nature : les ailes de papillons sont des réseaux micro-structurés. Ces réseaux, véritables pièges à photons, diffractent la lumière. C’est ce qui donne leur couleur aux papillons. De gauche à droite : une aile de Morpho ménalaus, une vue microscopique de l'aile, et le schéma de leur microstructure.
Depuis quinze ans, l’optique connaît une évolution comparable à ce qui a fait le succès phénoménal de l’électronique il y a un demi-siècle : la miniaturisation, l’intégration de systèmes complexes, la diffusion vers les activités et les besoins du grand public. Cette optique-là n’a plus grand chose à voir avec celle des miroirs et des lentilles, dont les dimensions se comptaient au moins en centimètres. Pour bien marquer la différence, on parle aujourd’hui de photonique – la science du photon, comme l’électronique est celle de l’électron. Mieux : désormais, les chercheurs savent concevoir des dispositifs dont la taille atteint quelques centaines de nanomètres, et on parle alors de nanophotonique.
Les possibilités de cette nouvelle discipline sont considérables, puisque les photons vont naturellement plus vite, et facilement plus loin, que les électrons. Cependant, lorsqu’on atteint ces échelles, les lois de l’optique ne sont plus tout à fait celles que l’on connaît, et demandent de nouveaux développement théoriques. « Lorsque la dimension caractéristique des composants est du même ordre de grandeur que la longueur d’onde de la lumière considérée, tout devient plus complexe », indique Riad Haidar. Dans le cas de la lumière infrarouge, cette longueur d’onde est de l’ordre du micromètre.
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C’est un Français, Thomas Ebbesen, qui a mis en évidence cette nouvelle physique. Il a en effet découvert, au début des années 1990, le "tamis à photons" : c’est une ouverture plus petite que la longueur d’onde, percée dans un film métallique et entourée de gravures périodiques nanométriques. Un trou, percé dans ces conditions, possède une transmission optique extraordinaire, car plusieurs ordres de grandeur supérieure à ce que prédit la théorie classique. De plus, sa diffraction peut être contrôlée grâce à l’activation de "plasmons de surface", mouvements collectifs d’électrons à la surface d’un matériau conducteur. Comment utiliser ces plasmons pour maîtriser la lumière ? "Les enjeux théoriques sont considérables. Nous développons des modèles afin de mieux comprendre les phénomènes physiques mis en jeu, expose Riad Haidar. Nous définissons aussi quelles solutions basées sur la nanophotonique peuvent répondre aux besoins en matière d’instrumentation optique. " Ces recherches sont menées en collaboration avec le Laboratoire de Photonique et des nanostructures et le Laboratoire Charles Fabry de l’Institut d’optique dans le cadre de Precision, une plate-forme de collaboration scientifique et technologique très dynamique pilotée par Jérôme Primot.
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L’expérience historique de Thomas Ebbesen : les tamis à photons. Transmission extraordinaire à travers un réseau de micro-trous. |
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Les plasmons de surface (en rose et en bleu) sont des ondes électromagnétiques qui se créent à la surface d’un métal. Ces plasmons peuvent faciliter la transmission des photons grâce à des phénomènes de résonance (en rose)
Parmi les applications de ces systèmes optiques miniatures, citons les systèmes de filtrage spectral, destinés à laisser passer certaines longueurs d’onde et à arrêter les autres. " Nous avons fabriqué des membranes d’une centaine de nanomètres d’épaisseur suspendues entre deux rebords, décrit le chercheur. Ces " microponts " en carbure de silicium, larges de deux à trois micromètres et espacés régulièrement, sont un bon système de filtrage spectral. "
L’Onera étudie les propriétés de filtrage des nanostructures métalliques. Vue au microscope électronique à balayage de «micro-ponts» (gris sombre) en suspension dans le vide (zones noires). Chaque bande est large d'environ 5µm.
Une autre application importante concerne la mise en forme de faisceaux de lumière, notamment pour les rayonnements laser intenses. " Notre équipe a développé un concept original d’analyse de la surface de l’onde, qui donne déjà de très bons résultats, indique Riad Haidar. Et nous pensons que les nanostructures métalliques permettraient d’en améliorer encore les performances. Ces dispositifs permettent aussi de modifier la forme du faisceau à volonté, par exemple en sélectionnant certaines longueurs d’onde, ou en rendant certaines zones plus ou moins intenses."
Les cellules photovoltaïques, qui convertissent la lumière du soleil en électricité, pourraient aussi bénéficier des progrès de la nanophotonique : des nano- ou micro-antennes pourraient piéger la lumière au voisinage de la cellule solaire, et offrir ainsi un meilleur rendement. De même, des micro-antennes à plasmons permettraient d’améliorer la sensibilité des détecteurs infrarouge. L’Onera a proposé à l’Agence nationale de la recherche un projet en ce sens, baptisé Antares (antennes à résonances de plasmons).
Cécile Michaut, journaliste scientifique.
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