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Silence, les coucous !

L'Onera met au point une hélice destinée à réduire les bruits des avions légers, sans sacrifier la performance et la sécurité. Les essais en vol sont prévus au printemps 2006.

07 novembre 2005

Numéro 21

Une hélice à 5 pales ! On a montré par le calcul qu'elle était le meilleur compromis pour une nuisance sonore minimale.

Une hélice à 5 pales ! On a montré par le calcul qu'elle était le meilleur compromis pour une nuisance sonore minimale.

Les riverains de Roissy ou d'Orly ne sont pas les seuls à se plaindre du bruit des avions. Les habitants proches d'aérodromes ne sont pas plus à la fête : les avions légers à hélices sont particulièrement bruyants lorsque l'on considère leur taille. Ils sont d'autant plus gênants qu'ils sont utilisés le week-end, et qu'ils multiplient les passages à basse altitude. " Pratiquement tous les petits aérodromes sont sous la pression d'associations de riverains, qui exigent une limitation des vols ou des bruits qu'ils engendrent ", constate Claude Le Tallec, ingénieur à l'Onera, mais aussi passionné d'aviation, puisqu'il compte à son actif plus de 4000 heures de vol.

La réglementation européenne tolère encore des niveaux de bruit élevés, mais l'Europe réfléchit à un durcissement des textes. L'Onera a d'ailleurs été sollicité pour déterminer ce qui était techniquement possible en termes de réduction de bruit de ces avions légers. Des normes sont définies, mais nul ne sait quand elles seront obligatoires. Actuellement, sur beaucoup d'avions légers, seuls un ou deux types d'hélice bipale sont agréés et elles sont assez bruyantes. Et les aéro-clubs n'ont pas le droit d'utiliser d'autres hélices plus silencieuses, pour des raisons de certification.

Spectre acoustique mesuré lors du passage de l'avion à la verticale et comparaison avec les niveaux calculés pour l'hélice isolée. Hélice de référence bipale, Sensenich, régime 2500 tr/mn, qui a servi à étalonner la méthode.

Spectre acoustique mesuré lors du passage de l'avion à la verticale et comparaison avec les niveaux calculés pour l'hélice isolée. Hélice de référence bipale, Sensenich, régime 2500 tr/mn, qui a servi à étalonner la méthode.

Cependant, tôt ou tard, les constructeurs devront parvenir à limiter le bruit des avions légers. C'est le but du programme Anibal (Atténuation du niveau de bruit des avions légers) destiné à réduire les nuisances de ces petits avions. Deux sources de bruit sont à peu près équivalentes : l'échappement du moteur, et les hélices. Pour la première, des solutions existent déjà. Trois constructeurs proposent des échappements moins bruyants, simples et n'ayant pas d'incidence sur la sécurité des avions. " Pour les hélices, l'affaire est plus compliquée, car toute défaillance a des conséquences dramatiques, et il est donc difficile de modifier et de faire certifier une hélice ", explique le chercheur. Ce sont principalement le bruit d'épaisseur (dû à l'épaisseur de la pale) et le bruit de charge (dû à la portance de l'hélice) qui engendrent la gêne sonore. De plus, lorsque les pales sont longues, l'extrémité va plus vite et s'approche de la vitesse du son. Il faut donc à la fois réduire l'épaisseur et le diamètre des pales, sans diminuer les performances de l'hélice. L'Onera a ainsi conçu une hélice à cinq pales, d'un diamètre plus petit que les hélices existantes, et constituée de matériaux composites afin de gagner en épaisseur. Des calculs de résistance sont actuellement en cours à partir des modélisations de cette hélice effectuées sur un programme de conception assistée par ordinateur (Catia).

La simulation numérique, une étape dans la conception. Ici l'aérodynamique des pales, calculée grâce au code elsA.

La simulation numérique,

une étape dans la conception.

Ici l'aérodynamique des pales, calculée grâce au code elsA.

L'Onera s'était engagé à baisser le bruit d'au moins 8 décibels sans diminuer les performances de plus de 3%. Or, les modélisations montrent une réduction d'au moins huit décibels, pour une perte de performance négligeable. Reste à confirmer ces résultats par des essais grandeur nature. " Nous avons fait construire par un fabricant spécialisé, Duc, deux hélices identiques, raconte Claude Le Tallec. L'une sera essayée au sol et subira un nombre d'heures de tests dix fois supérieur à ce qu'elle doit subir en vol. Nous pourrons ainsi détecter d'éventuels problèmes. L'autre sera essayée en vol. Quatre départements de l'Onera sont mobilisés sur ce programme pour couvrir les aspect aérodynamique, acoustique, structure et essais au sol et en vol ".

La Fédération française de vol à voile, de son côté, prête un avion remorqueur de planeurs pour les essais. Les essais en vol sont prévus en avril et mai 2006, avant la saison de vol à voile.

Si le planeur se fait apprécier des riverains par son silence, on ne peut pas en dire autant de l'avion remorqueur. La nuisance sera moindre (-8 décibels!) pour ceux qui entendront la nouvelle hélice à 5 pales

Si le planeur se fait apprécier des riverains par son silence,

on ne peut pas en dire autant de l'avion remorqueur.

La nuisance sera moindre (-8 décibels!)

pour ceux qui entendront la nouvelle hélice à 5 pales "Anibal"

Crédit photo : Jean-Paul Lauga - FFVV

 

Cécile Michaut, journaliste scientifique.

 

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