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50 ans de recherches sur le laser à l’Onera
Depuis l’invention du laser en 1960, ses applications se sont multipliées. La recherche en aéronautique n’est pas en reste, puisque les lasers sont un outil indispensable pour comprendre les turbulences, analyser les combustions ou observer les pollutions. Petit tour d’horizon des recherches de l’Onera sur les lasers.
Numéro 42
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Le laser a 50 ans. C’est le 16 mai 1960 que l’Américain Theodore Maiman a fait fonctionner le premier laser dans un laboratoire aérospatial, le Hughes Research Laboratory à Malibu en Californie. Personne n’imaginait à l’époque toutes les applications de cet instrument qui n’était alors qu’une curiosité de laboratoire. Très tôt, l’Onera s’y est intéressé, et a acquis un laser dès 1964. |
« Nous avons très vite entrevu les applications possibles du laser pour nos recherches, notamment pour les mesures », indique Jean-Pierre Taran, véritable « mémoire » de l’Onera en matière de laser, qui a travaillé aux Etats-Unis avec l’un des découvreurs du laser, Charles Townes. Ce dernier avait proposé le concept de laser en 1958 et obtenu le prix Nobel de physique en 1964. « Les lasers sont des outils incomparables pour nos recherches, il nous fallait comprendre comment ils fonctionnent pour les améliorer. C’est ainsi que nous sommes devenus des pionniers de leur développement en France. » L’Onera couvre l’ensemble des activités de recherche sur les lasers, depuis les questions les plus fondamentales jusqu’aux plus appliquées. Un pionnier des lasers |
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Les applications concernent essentiellement la mesure. Dès 1965, l’Onera a développé une méthode interférométrique à base de laser pour étalonner ses micro-accéléromètres ultra sensibles, des instruments destinés à mesurer les accélérations infimes auxquelles sont soumises certaines capsules spatiales. Peu après, l’Onera a également mis au point une méthode brevetée pour mesurer en temps réel, sans perturber les écoulements ni les réactions chimiques, la composition et la température dans les foyers de combustion et d’autres milieux réactifs comme les plasmas. Autre invention : des dispositifs pour mesurer la vitesse des écoulements de gaz, par exemple autour d’une maquette d’avion. Pour cela, on introduit des petites particules dans les écoulements de gaz, |
Mesure simultanée de la température et des concentrations de radicaux par DRASC (Diffusion Raman Anti-Stokes Cohérente) et par fluorescence à l'aide de trois lasers synchrones - banc DRASC résonnante Onera/SOPRA |
et on mesure leur vitesse en les « filmant » à l’aide d’impulsions lasers de quelques microsecondes. Ce même type de technique a permis de connaître la température et la pression des gaz autour de la maquette. « Nous pouvions ainsi mieux connaître les turbulences, et avoir de nombreuses informations sur les écoulements », raconte Jean-Pierre Taran. Pour alimenter ces instruments, l’Onera a développé des lasers plus performants, notamment des lasers à colorants « accordables », dont on peut régler la longueur d’onde. Ceux-ci ont été largement commercialisés. Jusqu’aux années 2000, l’Onera a réalisé des lasers dits « à CO2 » continus de faible puissance pour l’anémométrie (mesure des vitesses des gaz), ainsi que des lasers chimiques de très grande puissance et des lasers à décharge électrique pour des applications militaires. Aujourd’hui, les recherches sur les lasers et leurs applications se poursuivent, sur des sujets très variés. Comprendre la combustion |
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Les mesures simultanées des fluctuations de vitesse (par imagerie de particules - PIV) et de température (par fluorescence induite par laser - PLIF) permettent de déterminer les transferts de chaleur dus à la turbulence (turbulence thermique) |
Comment se comportent les gaz lors d’une combustion, ou lors d’un écoulement supersonique ? La question est cruciale pour améliorer le rendement des moteurs, mais aussi diminuer les polluants ou le bruit 1. D’où l’importance de mesurer in situ quels gaz réagissent, quels gaz se forment, mais aussi la température ou la pression, et ce en chaque point de la chambre de combustion. Il faut également observer l’évolution de ces données lors des phénomènes de combustion, qui durent quelques fractions de secondes. « Jusqu’à présent, les lasers que nous utilisions présentant les puissances nécessaires à ces mesures envoyaient une impulsion toutes les 10 millisecondes, indique Emmanuel Rosencher † , directeur scientifique de la branche Physique à l’Onera. Or, les phénomènes de turbulence, qui restent l’un des grands mystères de la physique fondamentale 2, ont lieu dans des temps beaucoup plus courts que la milliseconde. |
Nous allons pouvoir comprendre la manière dont la turbulence évolue grâce à des lasers présentant des fréquences de répétition beaucoup plus élevées, qui permettent d’explorer des phénomènes qui durent moins d’une milliseconde. » Voir dans le brouillard |
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Les lasers encore plus brefs, dits « femtoseconde » (dont la durée d’impulsion est de quelques milliardièmes de millisecondes), pourraient même permettre de voir à travers les milieux très opaques, comme les fumées épaisses ou le brouillard. Il faut savoir que la lumière n’est pas stoppée par ces milieux. Simplement, chaque photon (grain de lumière) est absorbé puis réémis par les particules présentes (des gouttelettes d’eau dans le cas du brouillard, des suies et des cendres dans le cas de fumées). |
Dispositif expérimental installé pour l'étude de la propagation filamentaire des lasers femtoseconde en atmosphère turbulente. |
Une quantité infime de photons revient donc directement vers l’envoyeur, mais de nombreux photons lui parviennent après de multiples diffusions. Il est donc ébloui. Mais si on envoie un faisceau laser très intense et très bref vers ce brouillard, une quantité suffisante de photons revient directement vers l’envoyeur. Comme on sait exactement à quel moment on a émis ce rayonnement, on peut sélectionner ces photons directement renvoyés, et éliminer ceux qui ont été diffusés. On obtient ainsi des informations visuelles à travers le brouillard. « Une équipe de l’Onera de Toulouse a démontré la faisabilité de cette vision à travers un milieu très opaque constitué d’eau et de billes très denses », souligne Emmanuel Rosencher. Observer les turbulences |
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Banc laser et OPO, émettant à 2,5 µm pour des applications lidar |
Les avions en vol créent des turbulences, qui sont dangereuses pour ceux qui suivent de trop près. Ces agitations atmosphériques engendrent des contraintes mécaniques très importantes qui peuvent endommager les structures des avions. C’est pourquoi, lors des décollages et des atterrissages, les règles de navigation aérienne imposent de garder une distance minimum entre deux avions 3. Il est indispensable de mieux comprendre ces turbulences, afin de réduire les dangers, et éventuellement d’augmenter la fréquence de décollage. On étudie ces tourbillons à l’aide de Lidars, une technologie basée sur l’envoi d’un faisceau laser et l’analyse du rayonnement lumineux renvoyé par le milieu étudié 4. « Les progrès pour visualiser ces tourbillons sont vertigineux, se réjouit Emmanuel Rosencher. Auparavant, il fallait des lasers spécifiques, très lourds. Aujourd’hui, nous utilisons des composants optiques développés pour les télécoms, qui permettront d’installer des systèmes de détection de tourbillons dans tous les aéroports, voire sur chaque avion. » |
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Les Lidars permettent aussi d’analyser la composition chimique de certains gaz, par exemple pour comprendre la combustion, ou pour détecter des pollutions. Au lieu d’utiliser pour ce Lidar un laser d’une seule longueur d’onde, on envoie une multitude de longueur d’ondes, permettant d’analyser de nombreuses espèces chimiques en même temps. « Ce type de Lidar a vu se succéder trois générations de laser, décrit Emmanuel Rosencher. Le « grand-père », c’était le laser classique, avec une seule fréquence. Le « père » est l’oscillateur paramétrique optique (OPO) 5, un dispositif compact, robuste et peu consommateur d’énergie, qui permet de balayer en fréquence. |
Oscillateur paramétrique optique (OPO) compact pour la détection d'espèces chimiques |
Enfin le « fils » putatif est le « laser à peigne de fréquence », une technologie permettant de produire des millions de fréquences lasers différentes, avec une très grande précision spectrale, à l’aide de lasers compacts. » Ces lasers à peigne de fréquence sont issus de travaux très récents qui ont valu à l’Allemand Theodor Hänsch le prix Nobel de physique en 2005. Ils font une percée fulgurante sur le marché de l’analyse chimique. |
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Test des fibres de l'Institute of Photonic Technology en laboratoire à l'Onera, afin de détecter les tourbillons de sillage depuis l'avion suiveur |
Pour toutes ces recherches, il faut mettre au point de nouvelles sources lasers. C’est le cas par exemple des oscillateurs paramétriques optiques déjà cités, pour lesquels l’Onera a conçu de nouveaux matériaux « non linéaires », ainsi que de nouvelles architectures optiques, comportant des cavités imbriquées. « Nous avons aussi développé des sources lasers à base de fibres optiques : en dopant adroitement ces fibres, on guide très efficacement la lumière au sein de la fibre, précise Emmanuel Rosencher. On évite ainsi d’avoir à aligner des miroirs pour guider la lumière, ce qui simplifie énormément les instruments, et les rend bien plus robustes. Pour l’aérospatial, notamment, c’est crucial. » |
Cécile Michaut, journaliste scientifique. 1 : Coup de zoom n° 12 - La traque des polluants à la source |