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Unir les modèles pour le meilleur… et le meilleur
Entre des méthodes de calcul simples mais limitées, et celles plus élaborées mais coûteuses, certains choisissent… de ne pas choisir. En combinant les deux approches, il tentent de modéliser des phénomènes complexes avec un maximum de précision.
Numéro 36
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Derrière les belles modélisations d’écoulements autour d’une aile, de turbulences derrière un avion, ou des mouvements complexes de l’air autour des pâles d’un rotor, il y a… des "codes de calcul". Ces méthodes, reposant sur le génie logiciel, l'analyse numérique et la modélisation physique, permettent de mener ces calculs complexes. « Il existe principalement deux approches pour prendre en compte la turbulence : les calculs statistiques et les calculs directs », explique Ivan Mary, chercheur au département de simulation numérique des écoulements et aéroacoustique à l’Onera |
Dans les méthodes statistiques, la solution des équations se stabilise au bout d'un moment et le temps n'a plus de signification physique. L'écoulement est dit permanent. On peut ainsi évaluer les valeurs moyennes des grandeurs décrivant l'écoulement et l'intensité globale des fluctuations de ces grandeurs, sans information sur les fréquences auxquelles elles se produisent. La forte influence des petits tourbillons sur la dissipation de l’énergie est prise en compte à l'aide d’un modèle particulier. Ce sont des calculs rapides, moins coûteux, et qui donnent les informations généralement suffisantes aux industriels. Au contraire, les méthodes directes requièrent des calculs où le temps a une signification physique, associé à un espace à trois dimensions. L'écoulement n'est plus permanent mais instationnaire. Ces méthodes fournissent, en tous points d'une grille très serrée, la vitesse de l’air et son évolution au cours du temps. Ces calculs donnent accès à la connaissance de toutes les échelles de tourbillons et aux amplitudes de fluctuations associées. Ils offrent donc bien plus d’informations mais, revers de la médaille, ils demandent une plus grande puissance de calcul, et sont donc longs et coûteux. D’où l’idée de combiner les deux approches, pour mener des calculs à la fois précis et abordables. " L’idée est d’utiliser les méthodes directes uniquement là où c’est nécessaire, et de compléter avec les méthodes statistiques ", indique le chercheur. Ainsi, lorsque l’on veut étudier les sources de bruit de sillage d’une aile d’avion, il faut modéliser les mouvements d’air selon le profil de l’aile. Les calculs directs concernent uniquement l’aval du bord de fuite, tandis que l’amont est estimé par les méthodes statistiques.
La principale difficulté est le couplage des deux méthodes. Par exemple, l’une ne dépend pas du temps, l’autre si. Il faut donc découper l’espace en deux zones distinctes, et " créer " une dépendance en temps à l’interface. Ces méthodes " mixtes " sont ensuite validées par confrontation avec des expériences menées à l’Onera avec un laboratoire universitaire allemand.
Cette approche concerne également des questions industrielles. Ainsi, Dassault Aviation s’intéresse à l’installation d'équipements en soute, mais cela pose des problèmes d’excitation de la structure de la soute lors de l’ouverture : de fortes vibrations aéroacoustiques peuvent l’endommager. Des calculs statistiques ont été menés sur l’avion, complétées par des calculs directs de la soute, afin de mieux comprendre ces phénomènes. Autre application de ces calculs, à plus long terme : les questions d’entrée d’air dans des conduites coudées. " Pour qu’un avion émette moins de rayonnement infrarouge qui le rendent détectable, les entrées d’air ne sont pas dans la ligne directe du moteur, indique le chercheur. Il y a donc des conduites très coudées, mais cela perturbe l’écoulement en créant des décollements qui peuvent gêner le bon fonctionnement du moteur. La simulation est très difficile, car le rayon de courbure et le gradient de pression engendrent des décollements importants, qu'il est difficile de simuler avec précision par l'approche statistique. Nous essayons de faire les calculs directs uniquement là où c’est nécessaire. "
Cécile Michaut, journaliste scientifique. |