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Nos nanotubes ont le nez creux
Les nanotubes de carbone, de longs tubes extrêmement fins découverts il y a vingt ans, sont très prometteurs pour la fabrication de capteurs capables de détecter les polluants et les explosifs.
Numéro 49 - [projet de recherche fédérateur Onera Sanaa]
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L’Onera n’a pas raté le train des nanotechnologies : dès 1998, il s’est intéressé aux nanosciences, qui concernent les objets de la taille de quelques nanomètres, soit quelques milliardièmes de mètres. Le premier programme fédérateur de recherche sur les nanosciences rassemblant plusieurs équipes de l’Onera, a alors été mis en place, puis déployé en trois programmes successifs, dont le dernier s’intitule Sanaa. |
L’essentiel des recherches a porté sur les nanotubes de carbone, de très longs tubes composés uniquement de carbone, 30 000 fois plus fins que les cheveux. Les chercheurs de l’Onera ont d’abord développé des moyens de synthèse originaux capables de produire des nanotubes de carbone de très haute qualité. Ils ont aussi étudié la structure de ces nanotubes, dont dépendent en grande partie leurs caractéristiques, notamment électroniques. Enfin, ils se sont intéressés à leurs propriétés mécaniques et électroniques.
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« En étudiant au microscope électronique la structure des nanotubes que nous fabriquions, en analysant in situ la température et la nature des espèces chimiques à chaque étape du processus, et en mettant au point des outils de simulation numérique, nous avons pu comprendre comment nos nanotubes se formaient, raconte Annick Loiseau, directrice de recherche à l’Onera. C’est un peu comme tricoter une chaussette : le catalyseur métallique joue le rôle des aiguilles à tricoter, réunissant les atomes de carbone pour former le nanotube. Le carbone rentre en désordre, et ressort ordonné. » Ces études sur la formation des nanotubes se poursuivent aujourd’hui : si l’on sait comment démarre le « tricotage », on ne comprend toujours pas exactement comment le nanotube se forme, autrement dit comment le tricoteur choisit le type de maille. |
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Principe de la détection de polluants avec des nanotubes 4 |
Une fois ses connaissances sur la synthèse et les propriétés approfondies, l’Onera pouvait s’attaquer aux applications à base de nanotubes, principalement dans le domaine des capteurs et des détecteurs. L’aéronautique a, par exemple, de plus en plus besoin de mesurer des molécules en faible quantité, pour des applications dans l’environnement (détection des polluants) et en sécurité (détection des explosifs). Or, les nanotubes sont très sensibles à leur environnement, leurs propriétés électroniques changent lorsqu’ils adsorbent des molécules. Il est possible d’utiliser cette sensibilité pour détecter de très petites quantités de gaz, jusqu’à une molécule parmi un milliard d’autres, en mesurant simplement le changement de conductivité des nanotubes. |
« Nous avons fabriqué des détecteurs pour deux molécules modèles, le dioxyde d’azote (NO2) et l’ammoniac (NH3), ils se sont tous deux révélés compétitifs, souligne Brigitte Attal-Trétout. Nous avons particulièrement soigné le protocole de mesure, afin d’être certains que les résultats étaient fiables et reproductibles, car les nanotubes sont extrêmement sensibles à tous les gaz, et il faut être certain de ce qu’on détecte. »
Avantage de ces détecteurs : le changement de conductivité est facile à mesurer, alors que les détecteurs optiques utilisés aujourd’hui nécessitent des lasers, coûteux et encombrants. « Nous visons des systèmes miniaturisés, à faible consommation d’énergie et faible coût, qui s’intègreraient facilement dans les structures, par exemple un oléoduc, une dalle en béton ou une aile d’avion, explique Brigitte Attal-Trétout. Si nous y parvenons, ce sera une énorme percée. »
Un projet de recherche a été déposé auprès de l’Agence nationale de recherche (ANR) en partenariat avec Thalès, afin de développer des capteurs d’humidité, très utiles pour étudier les traînées de condensation en aéronautique.
Un autre domaine d’application exploré par l’Onera est la détection infrarouge (IR). Là encore, on exploite la sensibilité de la conductivité électrique des nanotubes à une perturbation : l’exposition des films de nanotubes à un rayonnement lumineux infrarouge qui provoque un changement de température et de conductivité. Une équipe du département d’Optique de l’Onera (DOTA) sous la responsabilité de Ryad Haidar développe ces capteurs, qui présentent l’avantage de fonctionner à température ambiante. |
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Image en microscopie électronique de haute résolution d’une feuille de graphène 7 |
Les chercheurs de l’Onera s’intéressent aussi aux applications du graphène, une structure composée uniquement de carbone, comme les nanotubes, mais qui se présente sous la forme de très grandes feuilles d’un seul atome d’épaisseur. |
Cécile Michaut, journaliste scientifique. Compléments des légendes des figures : |