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Einstein et l'accéléromètre
Quel est l'instrument capable de mesurer des données pour la climatologie, d'analyser les forces que subit un satellite en orbite et de tester les théories de la relativité d'Einstein ? C'est l'accéléromètre, un outil développé depuis plus de vingt ans, et qui atteint aujourd'hui des précisions incroyables.
Numéro 13
Projet Microscope © CNES 2012. Illustration D. Ducros |
Nous avons déjà célébré le centenaire de la théorie de la relativité d'Albert Einstein qui a révolutionné la physique du vingtième siècle, bientôt celui de sa théorie de la gravitation. Et pourtant, cent ans après, nous continuons à tester la validité de ses principes, afin de dénicher, peut-être, des failles dans ses théories. La base de la relativité générale est le principe d'équivalence, qui postule que la masse inertielle (celle-ci mesure l'inertie d'un corps, c'est-à-dire sa résistance au mouvement) et la masse gravitationnelle (qui subit la gravité, notamment celle de la Terre) sont les mêmes. |
Pour l'instant, la réponse est oui : les meilleures expériences ont vérifié le principe d'équivalence avec une précision meilleure qu’un pour mille milliards. Mais c'est encore insuffisant, car certaines théories actuelles envisagent de nouvelles interactions très faibles, dont l'effet ne serait détectable que très difficilement. C'est pourquoi les accéléromètres, qui mesurent l'accélération d'un corps en mouvement, doivent encore gagner en précision, et des scientifiques de l'Onera s'y emploient.
L'accéléromètre est composé d'une " masse d'épreuve ", un objet dont la masse et la forme sont précisément connues, que l'on fait léviter dans une cage en silice en lui appliquant des forces électrostatiques. Cette cage est à quelques dizaines voire à quelques centaines de micromètres de la masse. Chaque accélération, qu'elle soit due à la gravité ou au mouvement de l'instrument, tend à faire bouger la masse d'épreuve à l'intérieur de la cage. En mesurant les forces électrostatiques nécessaires pour la maintenir immobile en lévitation, on en déduit l'accélération subie avec une précision d'un milliardième de fois la gravité terrestre, voire un million de fois mieux ! " De tels instruments ne peuvent pas être utilisés sur Terre et sont destinés à des mesures précises dans l'espace ", explique Pierre Touboul, directeur de la Branche Physique de l'Onera. |
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Enfin, la mission la plus ambitieuse concerne la vérification du principe d'équivalence d'Einstein. Microscope - c'est son nom - est un projet du Centre national d’études spatiales (Cnes), prévu pour avril 2016. " Microscope doit vérifier le principe d'équivalence avec une précision mille fois supérieure à ce qui existe aujourd'hui ", explique Pierre Touboul, responsable scientifique du projet. Pour cela, le satellite devra emporter deux accéléromètres différentiel possédant chacun deux masses d'épreuve emboîtées l'une dans l'autre. Le premier contient des masses en Titane et Platine, tandis que le second comprend uniquement des masses en Platine et permettra de vérifier l'absence de signal parasite. Dans le premier accéléromètre, les masses de Platine et de Titane subiront le même champ de gravité. Si elles réagissent différemment, cela signifie que le principe d'équivalence est violé. L'extrême précision de ces instruments nécessite des précautions draconiennes : stabilité thermique de l'accéléromètre au millikelvin près, élimination des vibrations parasites, blindage magnétique, présence de micro propulseurs à gaz froid permettant de compenser les forces de surface du satellite et un pointage extrêmement stable. Le mouvement des masses doit être détecté avec une résolution correspondant au dixième du rayon du noyau d'un atome. Les boîtiers d’électronique ont déjà été réalisés et les capteurs ont été qualifiés. L’instrument fournira non seulement les mesures scientifiques mais également celles nécessaires au contrôle d’orbite et d’attitude du microsatellite, d’une masse de 300 kg, spécifiquement développé par le Cnes. Le centre de mission scientifique sera mis en place sur le site de Palaiseau afin de gérer l’expérience spatiale en temps quasi-réel, en liaison avec le centre de contrôle du Cnes Toulouse. |
Cécile Michaut, journaliste scientifique. |