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Physique fondamentale

Dernier colloque de la mission spatiale Microscope avant lancement

Ingénieurs en métrologie spatiale et physiciens de la relativité générale étaient réunis en colloque international à l’ONERA Palaiseau pour échanger sur la mission Microscope. L'occasion pour Pierre Touboul, responsable scientifique, de rappeler ici tout l'intérêt de cette mission spatiale.

20 novembre 2015

Malgré les circonstances terribles du week-end précédent, plus de cinquante personnes ont participé les 16 et 17 novembre à ce dernier colloque avant lancement de la mission Microscope, parmi lesquelles figuraient : en relativité générale, Thibault Damour (IHES) ; en physique théorique des particules, Pierre Fayet (ENS).

Serge Reynaud du laboratoire Kastler-Brossel de l’ENS représentait la physique interdisciplinaire et Isabelle Panet de l’IGN la géodésie spatiale et la géophysique. L’aéronomie n’avait pas été oubliée avec l’équipe de Peter Visser de l’université de Delft.

Le SWG (Science Working Group) s’est réuni sous la présidence de Pierre Touboul pour débattre des propositions de coopération pour le traitement et l'interprétation des données qui lui étaient soumises. 



 

  

L'instrument de Microscope au départ de l'ONERA et son intégration satellite au CNES (resp. ©ONERA et ©CNES)


 

5 questions à Pierre Touboul sur la mission Microscope

Pierre Touboul

 

Pierre Touboul est directeur scientifique de la branche Physique à l’ONERA. Il est également PI (Principal Investigator = responsable scientifique) de la mission Microscope.

 

Où en est exactement la préparation de la mission Microscope ?

L’instrument scientifique principal de la mission Microscope - un double accéléromètre, chacun constitué de deux senseurs inertiels - a été développé durant dix ans par l’ONERA et a été  livré voici un an au Cnes Toulouse pour débuter l’intégration du satellite. Celle-ci est aujourd’hui pratiquement terminée et des campagnes d’essais d’environnement sont en cours. Les essais de compatibilité électromagnétique et de cyclage thermique sous vide se sont terminés avec succès ainsi que les centrages fins et mesures précises des masses et inerties. Le satellite devrait subir d’ici la fin novembre les essais de tenue aux vibrations. La revue de direction d’autorisation pour rejoindre le pas de tir Soyouz à Kourou est prévue le 17 février 2016 pour un lancement en avril.

Qu’est-ce que le principe d’équivalence ? Pourquoi est-il important de le tester ?

Le principe d’équivalence (selon Einstein, accélération et gravitation ne sont pas distinguables en un endroit donné) est le principe fondateur de la théorie de la gravitation qu’est la relativité générale, dont on célèbre d’ailleurs les 100 ans cette année.  L'une de ses conséquences, l’universalité de la chute libre des corps, indépendamment de leur composition, est testée en laboratoire - sur Terre, avec une précision relative de l’ordre de 10-13.

Cependant, cette théorie géométrique de la gravitation n’a pu être associée à la théorie quantique des champs qui décrit les interactions électromagnétiques, nucléaires faible et forte.  Dans la plupart des schémas théoriques qui généralisent le modèle standard, confirmé en 2012 par la découverte du boson de Higgs, apparaissent de nouvelles interactions, de nouvelles particules (dilatons, axions…), de nouvelles forces liées par exemple à des dimensions supplémentaires... Quelle que soit son origine, toute nouvelle force pourrait être mise en évidence par une violation du principe d'équivalence.

Pourquoi faire une expérience dans l’Espace ?

Les projets spatiaux devraient permettre d'améliorer considérablement la précision par des expériences effectuées à bord de satellites à traînée* compensée abritant des paires de capteurs inertiels, construits autour de masses  faites de matériaux différents, constituant un accéléromètre différentiel. Le projet Microscope, proposé par l’ONERA et l'Observatoire de la Côte d'Azur, développé par le CNES avec la contribution de l’ESA, verra le lancement de son microsatellite en avril 2016 et utilisera des accéléromètres électrostatiques ultrasensibles pour atteindre une précision de 10-15. L'expérience sera embarquée sur un microsatellite du CNES de 320 kg, injecté sur une orbite circulaire quasi-polaire héliosynchrone vers 710 km d'altitude, pour environ deux  ans d'opération.

Elle comprendra pour l'essentiel deux accéléromètres électrostatiques différentiels (fournis par l’ONERA) avec pour chacun, deux masses d'épreuve cylindriques concentriques, un Système de Contrôle d'Attitude et de Compensation de traînée (SCAO) et des micro tuyères à gaz froid fournis par l’ESA. Le SCAO compense continûment les forces non gravitationnelles en commandant la poussée des micropropulseurs.

* les satellites sont soumis à une minuscule force de freinage (traînée) due au frottement contre les molécules de gaz qui subsistent dans l'atmosphère résiduelle présente en orbite basse.

Comment se répartissent les rôles entre ONERA, CNES, OCA ?

L’ONERA assure la coordination scientifique de la mission. Il a développé et délivré en 2014 la charge utile du satellite et développe le centre de mission scientifique qui sera implanté sur son centre de Palaiseau. Le CNES est maître d’œuvre du microsatellite, du segment sol, des opérations et du lancement. Enfin, l'étude de mission et du traitement des données a été réalisée en coopération avec l'Observatoire de la Côte d'Azur.

Y aura-t-il un après Microscope ?

Outre les objectifs scientifiques évoqués, la mission Microscope permettra de qualifier les technologies critiques pour la réalisation des satellites à compensation de traînée qui sont indispensables pour plusieurs autres projets de physique fondamentale dans l’espace. Le choix d’une mission similaire à Microscope avec des compositions de masse différentes pourraient succéder avec enthousiasme suite à la révolution que serait la découverte d’une violation du principe d’équivalence. Dans l’autre cas, une mission avec encore plus de précision devrait être définie pour atteindre 10-17, voire  10-18.

Pour en savoir plus sur la mission Microscope : http://microscope.onera.fr

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