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Une nouvelle application de l'effet Talbot
Nicolas Guérineau, un jeune ingénieur de recherche, travaille sur l'application de l'effet Talbot à la caractérisation des matrices de détecteurs infrarouges.
Véritable curiosité de laboratoire, très peu connue, y compris des spécialistes de l'optique, l'effet Talbot, découvert en 1836 par un physicien britannique qui lui a donné son nom, permet d'envisager de nombreuses applications, en particulier dans le domaine des lasers et de l'imagerie. Au sein de l'unité " Conception d'Instruments Optiques " du Département Optique Théorique et Appliquée (DOTA) de l'Onera, Nicolas Guérineau, un jeune ingénieur de recherche, travaille notamment sur l'application de ce phénomène d'auto-imagerie à la caractérisation des matrices de détecteurs infrarouges.
Effet Talbot en lumière blanche.
Illustration par un diagramme représentant une coupe (x,z)
du champ produit par le réseau
(positionné en z=0).
Quand il découvrit ce phénomène auquel il donna son nom, William Henry Fox Talbot n'imaginait pas que près de 160 ans plus tard, au milieu des années 1990, Jérôme Primot, aujourd'hui responsable de l'unité " Conception d'Instruments Optiques ", allait penser à utiliser ce phénomène pour caractériser des détecteurs infrarouges. Ce physicien britannique qui, dès 1835, réussit à obtenir des négatifs photographiques à partir desquels il allait tirer des épreuves positives, un procédé connu sous le nom de " calotype " puis de " talbotype ", observa en particulier durant ses travaux la formation de traits lumineux à l'aide d'une lunette. Plus exactement, il observait alors ce qui se passait derrière un réseau de diffraction dit " réseau de Fraunhofer ", que le célèbre physicien allemand Joseph Fraunhofer, le fondateur de la spectroscopie, avait conçu lui-même. Un réseau de ce type se présente sous la forme d'une feuille d'or traversée de fines fentes. Quand on éclaire ce réseau en lumière blanche, il se produit un phénomène d'auto-imagerie baptisé " effet Talbot ". Autrement dit, à certaines distances derrière le réseau, apparaissent régulièrement des traits lumineux de différentes couleurs.
Des travaux à la fois théoriques et pratiques
Resté pendant très longtemps une curiosité de laboratoire - l'effet Talbot est rarement cité dans un cours d'optique en école d'ingénieur - ce phénomène a été exploité pour la première fois dans le cadre de la thèse réalisée à l'Onera par Nicolas Guérineau, ingénieur diplômé de SupOptique. " L'idée de Jérôme Primot était de générer des motifs de tests pour caractériser des matrices de détecteurs infrarouges en résolution spatiale ", résume l'ancien thésard qui, désormais, travaille plus particulièrement sur la conception de nouveaux bancs de test et participe à des projets d'instruments, notamment des spectromètres. Dans le cadre d'expertises de systèmes d'observation haute résolution pour la défense, Jérôme Primot et Joël Deschamps avaient soulevé le problème de la résolution spatiale au moment de la recette d'un détecteur. La question de la fiabilité des bancs de test classiques s'était alors posée et avait conduit à la conclusion qu'il était nécessaire d'améliorer le dispositif existant.
Ce travail de thèse à conduit Nicolas Guérineau à concevoir un premier banc de test par effet Talbot dès 1998, c'est-à-dire un dispositif de projection sans optique doté d'un réseau de diffraction qui peut être réalisé désormais à l'aide de techniques de photolithographie. " Notre objectif était de démontrer la simplicité d'un tel dispositif par rapport à d'autres plus classiques, qui sont en général des systèmes à trois miroirs assez complexes ", explique-t-il. Ce banc de test a permis ainsi d'effectuer des caractérisations en résolution spatiale sur un composant 256x256 de petits pixels et de démontrer l'intérêt et la robustesse d'un tel procédé pour effectuer des mesures fines sur un grand nombre de pixels simultanément.
Par la suite, l'équipe de Palaiseau a poursuivi des travaux à la fois sur un plan théorique, pour mieux comprendre l'effet Talbot, et sur un plan pratique, afin de perfectionner cette technique et d'aboutir à la conception d'un second banc de test utilisable sur tout type de plans focaux infrarouge. " Ces recherches nous ont permis de découvrir un régime d'auto-imagerie baptisé effet Talbot panchromatique qui apparaît à partir d'une certaine distance et lorsque le réseau est éclairé en lumière blanche (panchromatique). Dans ce régime, des traits lumineux fins et achromatiques apparaissent avec une grande profondeur de champ, alors qu'un éclairage monochromatique produirait pour le même réseau et une distance d'observation identique des traits lumineux avec une résolution moins bonne ", commente le chercheur du DOTA qui précise que c'est à l'aide d'une caméra couleur qu'à été étudié cet effet Talbot en lumière blanche.
Un banc universel commercialisable dans un à deux ans
Aujourd'hui, l'équipe de Palaiseau possède donc un dispositif d'imagerie de génération de motifs de test sans optique qui permet de faire de la métrologie. Mais elle a déjà dans ses cartons le projet d'utiliser cette technologie pour concevoir des micro-caméras dans le cadre d'applications destinées à la Défense. " Il ne s'agit pas forcément de faire de l'imagerie au sens de photographies, mais de concevoir par exemple un dispositif qui permettrait d'extraire d'une scène des détails fins. Parfois, cela suffit à faire de la détection de contours ou des repérages ". Plus généralement, cette équipe cherche essentiellement à trouver des applications assez précises qui lui permettent de financer ces travaux, l'Onera finançant en général un ou deux thésards sur fonds propres. Du côté des applications civiles, le secteur spatial pourrait être intéressé par ce concept d'imagerie sans optique, en particulier en raison de la compacité qu'il permet.
Prochain objectif de cette équipe : disposer d'ici un à deux ans d'un banc de test universel commercialisable auprès des industriels, le banc actuel restant un outil de laboratoire. " Il faut que nous parvenions à faire tenir l'ensemble du dispositif sur un à deux mètres carrés, le système de projection lui-même ne devant pas excéder le volume d'une boîte à chaussures ", précise Nicolas Guérineau. Une chose est sûre, l'effet Talbot, après être longtemps resté dans l'ombre, n'a pas fini de faire parler de lui, ce phénomène physique laissant entrevoir des applications très prometteuses comme, par exemple, dans le domaine du contrôle optique. Une thèse dirigée par Jérôme Primot est en cours à l'Onera. Par ailleurs, Phasics, une start-up créée récemment par des étudiants de l'Ecole Polytechnique dont l'objectif est concevoir des outils de contrôle optique pour les lasers de puissance, a signé un accord de licence avec l'Onera concernant trois brevets de Jérôme Primot, Nicolas Guérineau étant le co-inventeur de l'un d'entre eux.
Banc de test par effet Talbot.
Schéma de principe.