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Un "Mistral" gagnant

Une équipe du Département d'Optique Théorique et Appliquée développe un algorithme dit "de déconvolution", baptisé Mistral, pour améliorer encore la résolution des images corrigées par l'optique adaptative.

14 décembre 2004

L'émergence de l'optique adaptative au cours de la dernière décennie, et en particulier le développement de l'instrument NAOS (Nasmyth Adaptative Optics System) qui équipe le VLT (Very Large Telescope) de l'ESO au Chili, a permis aux astrophysiciens de s'affranchir des effets néfastes de l'atmosphère. Néanmoins, si la qualité des images corrigées par l'optique adaptative est désormais meilleure, leur résolution peut être encore améliorée. D'où l'idée d'une équipe du Département d'Optique Théorique et Appliquée (DOTA) de développer un algorithme dit " de déconvolution " baptisé Mistral (Myopic Iterative STep preserving Restoration ALgorithm) grâce auquel des astrophysiciens ont pu réaliser des observations capitales. A terme, un dérivé de cet algorithme pourrait être utilisé pour observer la rétine de l'oil.

" Ce que nous appelons dans notre jargon la déconvolution, c'est-à-dire une forme de traitement d'image, est un sujet sur lequel Jean-Marc Conan travaille depuis une dizaine d'années à l'Onera. Aussi est-ce avec lui, mais également en collaboration avec un autre ingénieur de recherche de l'unité ASO (imagerie haute résolution, analyse de surface d'ondes et restauration d'images), Laurent Mugnier, que j'ai développé l'algorithme Mistral dans le cadre de ma thèse réalisée sous la responsabilité de Gérard Rousset ", précise Thierry Fusco. La qualité des images corrigées par l'optique adaptative est déjà excellente. Mais pour les chercheurs, leur résolution peut être améliorée davantage. Il reste à trouver la solution. " Nous avons puisé notre inspiration dans les technologies de traitement d'images utilisées dans différents domaines, ce qui nous a permis de développer un algorithme de déconvolution que nous avons progressivement enrichi d'idées nouvelles pour aboutir enfin à Mistral, un outil spécifique à l'optique adaptative ".

Des résultats marquants grâce à Mistral

Quand Thierry Fusco se lance dans sa thèse, à la fin des années 90, il n'existe pas véritablement de développement d'algorithme de déconvolution spécifique à l'astrophysique. Quelques équipes travaillent sur le sujet aux Etats-Unis, mais la plupart des astrophysiciens utilisent des algorithmes très généraux, conçus il y a plus de vingt ans, qui ne prennent pas en compte les spécificités de l'optique adaptative. " Les traitements d'images disponibles ne satisfaisant pas les astronomes, ces derniers étaient très méfiants à l'égard de la déconvolution et s'inquiétaient de savoir si ces systèmes n'allaient pas modifier la structure de l'objet observé ", souligne le chercheur du DOTA. Aussi l'équipe de l'Onera a-t-elle décidée de collaborer avec cette communauté d'astronomes afin de leur montrer les progrès potentiels qu'ils étaient en droit d'attendre en utilisant ce type d'algorithme " Il a fallu les convaincre et vaincre leurs réticences ", se rappelle-t-il.

Les astronomes ont commencé par envoyer leurs données à partir desquelles Thierry Fusco faisait des déconvolutions avant de leur adresser les résultats obtenus afin qu'ils puissent procéder à des comparaisons et en extraire des informations. Peu à peu, la confiance s'instaure entre les astronomes et le chercheur de l'Onera. " Un grand pas a été franchi quand ils ont commencé à extraire de vraies données astrophysiques à partir d'images déconvoluées, ce qui s'est traduit par la publication de différents articles scientifiques dans lesquels Mistral était cité ". Un des premiers résultats marquants a été l'observation d'une éruption volcanique sur Io, un satellite de Jupiter, une première réalisée au Keck qui est l'un des observatoires américains les plus réputés. Franck Marchis, un jeune astronome français qui travaille aujourd'hui à l'Université de Berkeley, a alors envoyé les données de cette observation à Thierry Fusco afin qu'elles soient déconvoluées.

Plus récemment, l'utilisation de Mistral a permis à une équipe internationale, associant en particulier des astronomes français du Laboratoire d'Astrophysique de Grenoble, de caractériser avec précision l'image d'un objet faible et froid, obtenue grâce à NAOS, qui pourrait être très probablement la première exoplanète jamais imagée. Aujourd'hui, le succès de Mistral est tel que les Américains ont décidé de le recoder afin de l'intégrer à leurs outils. " C'est une reconnaissance pour nous ", s'enthousiasme Thierry Fusco.

Des applications prometteuses, en particulier en ophtalmologie

A plus ou moins long terme, Mistral pourrait faire l'objet de différentes applications adaptées à d'autres secteurs. " Nous souhaitons en effet utiliser cette technique pour réaliser notamment de l'imagerie de la rétine de l'oil, qui est également un milieu turbulent ", annonce le chercheur de l'Onera. A l'Observatoire de Paris, François Lacombe collabore d'ores et déjà avec des ophtalmologistes afin de développer un système d'optique adaptative permettant d'observer la rétine. D'autres équipes, notamment américaines, s'intéressent de près à cette technologie. Seulement, si des systèmes commencent à fonctionner, les résultats obtenus ne sont pas parfaits. D'où l'idée de les corriger en faisant du traitement d'image. Aux Etats-Unis, Franck Marchis a déjà obtenu de très bons résultats en utilisant Mistral pour traiter des données ophtalmiques. " Sans doute peut-on se contenter d'utiliser Mistral dans un premier temps et obtenir des résultats spectaculaires. Cependant, nous estimons que plusieurs améliorations doivent être apportées à ce système afin qu'il puisse répondre plus spécifiquement aux besoins des ophtalmologistes. D'où notre idée d'essayer de lancer une thèse courant 2005 ". Un Mistral " gagnant " qui montre une nouvelle fois combien il est important pour un pays de financer correctement la recherche fondamentale.

Image de Ganymède avec optique adaptative seule
Image de Ganymède
avec optique adaptative seule
Image déconvoluée grâce à MISTRAL
Image déconvoluée grâce à MISTRAL
Image synthétique de résolution théorique du télescope
Image synthétique de résolution théorique du télescope

 

La résolution de l'image déconvoluée est trés proche de celle correspondant à la résolution théorique (cas idéal ou le télescope serait situé dans l'espace), ce qui signifie que l'on atteint quasiment les performances ultimes du télescope.

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