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Modélisation de l'amerrissage : une première mondiale !
Dans le cadre du programme européen CRAHVI, les ingénieurs de recherche du centre de Lille ont réalisé la modélisation complète par éléments finis de l'amerrissage d'un A321.
Le programme européen CRAHVI (Crashworthiness of Aircraft for High Velocity Impact) concerne un consortium qui regroupe une vingtaine de partenaires européens dont l'ONERA. Il est le dernier en date d'une série de trois programmes successifs qui s'est poursuivie au cours des dix dernières années sur le thème de la résistance structurale des avions de ligne, sujets à des sollicitations extrêmes de type crash, impacts d'oiseaux, etc. Pour CRAHVI, dont les résultats seront présentés durant les prochaines semaines, les chercheurs de l'unité de recherche "Résistance et Conception des Structures" (RCS) de Lille avaient placé une nouvelle fois la barre très haut en se lançant dans la modélisation par éléments finis de l'amerrissage d'un avion. Ils ont brillamment relevé ce défi en réalisant une "première mondiale".
Au sein du Département Mécanique du Solide et de l'Endommagement (DMSE), l'unité de recherche RCS que dirige Eric Deletombe consacre près des deux tiers de son activité à la sécurité, par le biais de la recherche de l'amélioration de la résistance structurale des aéronefs. Pour ces chercheurs, il s'agit d'essayer de traiter toutes les situations hasardeuses et accidentelles pouvant survenir lors d'un vol d'avion. Impact de volatiles, ingestion de ces mêmes animaux dans les moteurs, explosion en soute, crash. Tous ces évènements et les conséquences diverses qu'ils peuvent entraîner sur l'intégrité d'un appareil sont étudiés dans le cadre d'une thématique baptisée "ruine structurale des aéronefs".
Contrairement à ses homologues européens, cette équipe lilloise a fait le choix d'aborder la modélisation fine des avions dans leur globalité. "L'idée est d'utiliser pour ce faire des codes de calcul commerciaux par éléments finis installés chez l'industriel que nous essayons d'évaluer dans un premier temps. Une fois leurs limites établies, nous participons alors à leur développement et leur amélioration avec pour objectif de les appliquer au calcul de structures complètes", résume le responsable de cette unité. Pour justifier et démontrer l'intérêt des travaux qui sont développés, l'ONERA va jusqu'à traiter des problèmes relatifs à la sécurité des aéronefs à l'échelle 1 de façon particulièrement fine.
Si le thème de la sécurité passive est un sujet d'intérêt relativement récent dans l'aéronautique, il progresse rapidement. Eric Deletombe estime qu'à l'avenir, "les organismes de certification aéronautique risquent d'exiger des constructeurs qu'ils s'assurent de la sécurité des passagers et de l'équipage en limitant le traumatisme consécutif à certaines situations de crash". C'est dans ce cadre que s'inscrivent les travaux menés par l'unité RCS au sein du consortium CRAHVI, en particulier sur la modélisation de l'amerrissage.
Trois programmes successifs
Lors du premier programme, au milieu des années 90, les chercheurs s'étaient intéressés au crash des avions de transport civil à structure métallique, le but étant d'améliorer la sécurité des passagers. "Il s'agissait de démontrer la capacité des outils de simulation de l'époque à représenter le crash de ce type de structure, en l'occurrence un tronçon de fuselage d'un A320. Autrement dit, modéliser un impact vertical à une vitesse d'environ 7 m/s", explique l'ingénieur lillois. Une fois ces travaux achevés, un second programme a repris le même type de scénario mais avec une structure composite, beaucoup plus complexe à étudier.
Pour le troisième programme développé dans cette logique, les chercheurs ont choisi une situation plus représentative de la réalité. Il faut nécessairement prendre en compte une composante horizontale. "Autant dans un crash vertical, il est possible de ne prendre en compte qu'un tronçon de fuselage, autant si l'on s'intéresse à la composante horizontale, il faut travailler sur la totalité de l'avion. C'est pourquoi nous avons décidé de nous intéresser à la modélisation complète, non seulement du crash, mais aussi de l'amerrissage d'un A321 métallique", expliquent les scientifiques de l'ONERA. C'est l'objet de CRAVHI, où est impliqué Roland Ortiz.
Une première mondiale
Simuler l'amerrissage d'un avion complet est d'autant plus compliqué qu'il faut à la fois modéliser la structure et le fluide. Pour traiter ce problème, l'équipe lilloise à fait appel aux outils de simulation par éléments finis. "Il existe d'autres méthodes. Par exemple, les Allemands d'Airbus Germany recourent à des calculs hydrodynamiques plus analytiques. Ce sont des méthodes globales. La philosophie que nous partageons avec Airbus France est différente. Elle consiste à démontrer que les outils de calcul par éléments finis sont désormais capables de traiter des modèles aussi complexes", indique le responsable de l'unité RCS. Ainsi les scientifiques de l'ONERA s'intéressent à l'évaluation des risques de rupture au niveau du fuselage lors de l'amerrissage d'un avion. En effet, l'eau pourrait alors pénétrer dans l'appareil, ce qui réduit la durée de flottaison et d'autant le temps dont disposent les passagers pour évacuer l'avion.
Ce travail, considéré comme une "première mondiale", l'ONERA et Airbus France l'ont mené en collaboration avec la société Mécalog, le développeur du code Radioss, déjà utilisé par Airbus France, EADS-CCR et Eurocopter. Résultat : un modèle de l'amerrissage d'un Airbus A321 "partiellement raffiné", souligne Eric Deletombe, "principalement dans les parties de l'avion qui entrent en contact avec l'eau. Le modèle fluide est particulièrement fin avec 400 000 particules fluides représentant l'eau venant impacter l'avion. En termes de calcul, ce travail de démonstration de faisabilité a demandé près de trois mois sur quatre processeurs du calculateur Compaq du Centre de Lille." Il reste donc un travail d'adaptation du calcul pour utiliser soit plus de processeurs, soit d'autres moyens de l'Onera plus puissants. "Par exemple, dans le secteur automobile où le calcul de crash est devenu une obligation et où les moyens de calcul sont adaptés, ce travail nécessiterait un temps de calcul beaucoup moins long, se comptant en jours", souligne l'ingénieur de l'ONERA, qui pense que les constructeurs aéronautiques se doteront des outils informatiques et de la puissance de calcul ad-hoc le jour où les autorités de certification les obligeront à traiter ce problème. Néanmoins, il est impératif d'y travailler dès à présent.
Simulation numérique de l'amerrissage d'un A321
Une richesse inouïe
L'intérêt d'un tel programme est de démontrer aux autorités que les outils numériques permettant de traiter un problème comme l'amerrissage sont aujourd'hui disponibles. Reste ensuite à les doter de modèles de comportement suffisamment physique pour que les calculs obtenus soient finalement représentatifs (prédictifs) des phénomènes réels, ce qui implique de l'expérimentation mais également de la recherche et de la modélisation plus fondamentales. "La mission de l'ONERA est d'attirer le regard de l'industriel sur ces problèmes fondamentaux très pointus. C'est notre rôle d'analyser pourquoi telle solution ne fonctionne pas dans un contexte applicatif et d'identifier le travail qu'il est nécessaire de réaliser au niveau fondamental, un travail que nous réalisons en collaboration avec des équipes universitaires par le biais de thèses co-encadrées avec le LAMIH, laboratoire mixte CNRS-Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis", déclare Eric Deletombe qui considère que l'ONERA présente à ce titre une richesse formidable qu'il faut préserver. Rappelons qu'à mi-décembre, les trois partenaires CNRS, ONERA et UVHC ont décidé la mise en place à Lille d'une équipe de recherche commune de 30 personnes et à vocation européenne sur le thème de la sécurité des transports.