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L'ONERA invente avec le SHOM la cartographie de pesanteur à précision "atomique"

L’ONERA et le SHOM* ont réussi, au large de Brest, deux campagnes de cartographie de la pesanteur. Le gravimètre atomique conçu et réalisé à l’ONERA pour un usage maritime, fournit une mesure absolue de la pesanteur locale « g », avec une précision remarquable. C'est une première mondiale.

03 février 2016

GIRAFE (puis GIRAFE2) – Gravimètre interférométrique de recherche à atomes froids, embarquable – est un projet soutenu par la Direction générale de l’armement depuis neuf ans. C’est aussi le nom de l'instrument : un prototype de gravimètre, fournissant des valeurs très précises, pour un fonctionnement compatible avec les conditions de mer. Cette initiative ONERA se situe tout à fait dans la veine du savoir-faire ONERA en matière de navigation et de capteurs inertiels (y compris l’accélérométrie spatiale). Les perspectives sont nombreuses, notamment dans les domaines défense, aéronautique et spatial.

De l’instrument « quantique »  de labo...

La gravimétrie à atomes froids repose sur l’interférométrie atomique, où sont exploitées les propriétés quantiques de la matière. Un nuage d’atomes froids de rubidium** est obtenu par refroidissement et immobilisation laser dans le vide puis lâché, soumis à son seul poids. Les atomes sont divisés en deux paquets d’états quantiques différents, et tombent en se séparant. Les deux paquets d'atomes, qui se comportent comme des ondes de matière, sont ensuite recombinés et donnent lieu à une figure d’interférences analogue à un interférogramme optique.  Un traitement de l'interférogramme atomique permet de remonter à la valeur du champ de pesanteur.
 

Gravimetre à atomes froids de laboratoire
L’instrument précurseur de GIRAFE2, très précis mais pas embarquable

L’ONERA avait mis au point en 2012 un premier appareil – GIRAFE, dont la précision pouvait atteindre 10-8 à 10-9 g  en laboratoire. Pour répondre aux besoins maritimes du projet dans sa deuxième phase, un nouvel appareil a été conçu et construit, cette fois embarquable, c’est-à-dire capable de fournir des résultats avec la meilleure précision possible en mer, là où la mesure est perturbée par la houle et les vibrations. Les ingénieurs de recherche ONERA ont donc réussi ce défi en mettant au point l'instrument GIRAFE2. Etant donné son potentiel de précision en laboratoire, il devait être testé en mer avec les ingénieurs du SHOM.

Test du gravimètre sur sa plateforme gyrostabilisée en situation de houle

 

… à l’opérationnel, par mer calme à très forte

Le Beautemps-Beaupré, navire hydo-océanique du SHOM
Le BHO Beautemps-Beaupré (80 m), navire dédié aux campagnes scientifiques du SHOM

C’est ainsi qu’en octobre 2015, GIRAFE2 a été installé pour 5 jours  sur le bâtiment hydro-océanographique Beautemps-Beaupré. L’instrument a été placé au point tranquille du navire (l’endroit qui bouge le moins) et monté sur plateforme gyrostabilisée. Le relevé du champ de pesanteur a pu se faire avec une résolution spatiale de 500 m, et confirmer les valeurs connues, moyennant la mise en œuvre de filtres conçus pour éliminer les effets parasites liés à la houle et aux vibrations du bateau. La deuxième campagne de janvier 2016 a confirmé l’exactitude des mesures même par 5 à 6 m de houle.
 


Le capteur de GIRAFE2 sur sa plateforme gyroscopique, au point tranquille du Beautemps-Beaupré

Les autres gravimètres sont des instruments relatifs - ils utilisent des masses suspendues à des ressorts dont on mesure l’allongement. Ils sont moins précis, moins robustes et nécessitent de fréquents recalibrages donc, pour un navire, des escales rapprochées et une productivité assez faible.

L’avenir de GIRAFE2

GIRAFE2 est un démonstrateur et en ce sens ne peut être mis en œuvre que par des spécialistes. La prochaine étape pourrait être de réaliser une version de l’instrument en plusieurs exemplaires qui puisse équiper certains navires et fonctionner sans intervention. Les performances seraient améliorées et les composants électroniques et optiques miniaturisés.

Parmi les applications de cette technologie : la géophysique des zones océaniques,  la prospection du sous-sol marin (minerai, pétrole), la cartographie de pesanteur, la navigation sans GPS. On peut également imaginer des applications aéroportées ou spatiales.

L’ONERA pleinement dans son rôle

Les ingénieurs de recherche de l’ONERA ont exploré une technologie exploitant le refroidissement d’atomes par laser, technique qui valut le prix Nobel de physique 1997 à Claude Cohen-Tannoudji, Steven Chu et William D. Phillips. Ils ont proposé à la DGA le projet audacieux de réaliser un tel gravimètre, basé sur l’interférométrie à ondes de matière des atomes froids, embarquable sur un navire. Pour les industriels de ce marché, comme pour la DGA, l’ONERA a augmenté le TRL*** de cette technologie et donc fait baisser grandement le risque industriel de futurs développements.

 

Notes

* SHOM : Service hydrographique et océanographique de la Marine

** rubidium : métal alcalin dont les atomes peuvent assez facilement être manipulés par des lasers à fibre de type "télécom"

*** TRL : Technology Readyness Level, système de mesure employé pour évaluer le niveau de maturité d'une technologie (échelle de 1 à 9)

 

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